« Je suis une nomade, géographiquement et intellectuellement… »

Chaque fois que je découvre un domaine qui me plaît, une activité qui me stimule, j’ai envie d’aller plus loin, je me lance dans un « voyage exploratoire ». J’éprouve le besoin d’en savoir plus, d’apprendre, d’ailleurs j’ai acquis la plupart de mes savoirs en autodidacte.

A l’âge de 5 ans je savais lire ; je ne sais pas quel mécanisme d’apprentissage j’avais mis en œuvre, mais je l’ai appris toute seule, par pure curiosité et intérêt. Adulte, je n’ai cessé d’étudier tout en travaillant à plein temps. Le plaisir d’apprendre a été toujours un stimulant constant et j’ai mis tout en œuvre pour y arriver. Mais d’où me vient cette soif de connaissances, ce besoin de savoir, cet appétit accru pour acquérir des connaissances, des compétences, de nouveaux comportements ?

 « Tous les humains désirent naturellement savoir » 

– Aristote.

Au-delà du désir, l’apprentissage s’inscrit dans une histoire de vie, dans la trajectoire personnelle et dans un environnement social. Est-ce mon cas aussi? Parce que j’aimerais bien savoir d’où vient mon besoin de savoir (sic!), j’ai décidé de prendre le temps de regarder dans mon passé, pour me redécouvrir sur les traces de ma biographie. C’est un exercice sensible et périlleux, car jamais fait auparavant. Je suis plutôt de nature pudique lorsqu’il s’agit de parler de moi et surtout de mon passé. Mais comment gagner la confiance des autres si moi je ne leur fais pas confiance en partageant mes réflexions ? Allez… c’est parti !

Née en Roumanie à l’aube des années ‘70, j’ai vécu une enfance et une adolescence tout à fait normales, s’il ne s’agissait que d’une fausse normalité influencée par la doctrine communiste. Plus tard, j’allais découvrir que cela a été le facteur qui a le plus marqué la maturation de mon caractère, de ma personnalité et même les choix dans mon parcours professionnel.

La Roumanie a subi un régime communiste pendant quarante ans, un régime dictatorial où l’on apprenait des « vérités absolues ». L’école constituait le principal facteur d’éducation et d’endoctrinement de la jeune génération. L’Etat définissait ce que nous devions apprendre et nous offrait surtout une préparation technique. Ainsi, on a acquis des savoirs théoriques, pas nécessairement en lien avec nos aspirations. La forme la plus courante d’orientation professionnelle se passait autour de la table de la cuisine et faisait intervenir la famille, les amis et les pairs. Même les enseignants ne jouaient qu’un très faible rôle, qui se limitait à suggérer aux élèves (et à leurs parents) vers quel type d’enseignement se diriger ensuite, en fonction des résultats scolaires.

J’ai voulu devenir enseignante pour transmettre aux enfants le plaisir d’apprendre, mais j’ai pu accéder à ce métier parce que je faisais partie des meilleurs. Mise à part les « élites » (une certaine nomenclature communiste privilégiée), très peu d’élèves de la classe ouvrière y avait accès : les meilleurs. C’est pourquoi mes parents m’ont toujours poussée vers la réussite. Ils savaient qu’ils n’auront pas la possibilité de « m’offrir » un avenir, alors je devais y arriver par mes propres forces.

Je crois que, à cette époque-là, on m’a inoculé l’idée que si l’on n’est pas parmi les meilleurs, on ne compte pas. D’où mon besoin de réussir et un esprit de l’excellence qui m’ont toujours poussé vers l’avant. Bien que cela m’ait rendu service dans mon développement professionnel, j’allais découvrir plus tard que c’était à la fois un vrai danger au niveau mental. Lorsque, en tant qu’enseignante, je m’étais confrontée à l’échec scolaire de certains élèves, j’ai eu tendance à l’expliquer soit par manque de motivation ou de travail, soit par les problèmes sociaux ou psychologiques qu’ils vivaient. J’ignorais le rôle énorme des mécanismes d’apprentissages mis en œuvre par eux-mêmes. Comme j’ai toujours eu la facilité d’apprendre, je pensais que les autres fonctionnaient comme moi et j’ignorais pourquoi ils ne comprenaient pas.

J’ai fini mes études pédagogiques juste avant la chute du régime communiste. On nous avait formés pour apprendre aux élèves des savoirs, dans la même manière que l’on nous avait appris. En tant qu’enseignants, nous devions faire passer un discours, une somme de connaissances qui correspondait aux représentations de la culture légitime à cette époque-là. Cependant, au-delà des savoirs formalisés imposés par les programmes scolaires, l’esprit rebelle qui m’habitait sortait souvent du cadre pour offrir à « mes enfants »  des moments de découverte, des plaisirs actifs.

Après la chute du communisme en 1989, j’ai enfin connu le goût de la liberté. Un champ immense s’ouvraient devant moi, j’étais avide de sensations, d’expériences et de découvertes. J’aurais voulu rattraper tout ce qui m’avait été inaccessible pendant mon adolescence. Une volonté générale de découverte me poussait  comme un ressort vers de nouveaux apprentissages. Aujourd’hui je sais bien que c’était un défoulement, un besoin de rattrapage, de combler les frustrations vécues auparavant. Puisqu’à l’école on avait été obligés d’apprendre le russe comme langue étrangère,  je me suis lancée dans l’apprentissage à la fois du français, de l’anglais et de l’italien. Je n’avais pas les moyens pour me payer des cours, alors j’ai suivi les cours à la télévision. Il n’y avait pas un objectif qui me menait, mais juste le plaisir d’apprendre, le carburant qui donnait l’élan à mon moteur.

Je travaillais depuis 5 ans en tant qu’enseignante, lorsqu’un ami qui avait intégré la toute nouvelle station de radio régionale m’a fait savoir que l’on y recherchait des collaborateurs. J’ai tout de suite saisi cette opportunité et présenté ma candidature. On m’a entraîné à poser ma voix devant un micro, lire à voix haute un article de journal et deux jours plus tard, j’intégrais déjà la petite équipe qui avait en charge les informations. L’ambiance était incroyable car nous étions tous jeunes,  bénévoles et animés d’enthousiasme. Là, j’ai tout appris sur le tas. On ne nous donnait pas de cours, mais on était mis en situation réelle d’apprentissage.

Lorsque, pour la première fois, je me suis lancée en direct, j’ai pris conscience du fait que le stress était pour moi un facteur mobilisateur. Aujourd’hui cela est devenu une évidence : à la motivation, au plaisir et à la liberté – comme conditions de l’apprentissage – quand il s’agit de savoirs formalisés s’ajoute le stress, pas le stress dû à la fatigue mais le stress des délais, d’une certaine contrainte. J’ai pu remarquer que ma capacité d’apprendre pour passer mes examens à l’université accroît lorsqu’il y a contrainte de temps. Pourtant, paradoxalement, sans contraintes – qu’on se donne ou qu’on accepte – il n’y aurait pas de liberté.

Comme je l’ai dit au début de ce récit, je ne me suis pas souvent arrêtée pour analyser et théoriser ce que j’avais appris ou fait. Peut-être à cause de mon apprentissage scolaire trop centré sur la théorie. Ou tout simplement parce que personne ne m’a jamais appris à m’asseoir…

Bon pour la tête

J’ai adoré ce livre, qui ouvre les yeux sur beaucoup de choses et permet de voir les choses différemment pour nous et pour les personnes que l’on côtoie. À travers la métaphore de la permaculture, Katell Bosser nous fait (re)découvrir notre énergie naturelle et nos talents, puis met en lumière leur influence sur notre manière de gagner de l’argent. Elle nous interroge sur les freins qui nous sont propres, nous incite à devenir entrepreneures de nos vies et à générer des ressources durables pour développer nos projets et construire une vie qui nous ressemble.

« Blooming People: Manuel d’abondance à l’usage des jardiniers de la Vie. »